samedi 29 novembre 2014

Samedi 29 novembre 2014 à Saint Ovin

Saint-Ovin : un petit tour imprévu sur les chaumes !


  Nous étions 10 à participer à cet « exercice de communication » monté en urgence : l’objectif était de créer une occasion de proposer une information à la presse locale. Suite à rechercher dans les titres du sud Manche !
Entre les tiges de blé moissonné, les taches vertes des adventices.

  Au sommaire du dernier numéro de la revue du GONm (Le Cormoran n°78), un article sur les oiseaux des chaumes attire l’attention : certains passereaux sont très attachés aux sols cultivés. Ce n’est pas en soi une découverte, l’alouette des champs n’habite pas le bocage trop morcelé par les haies, elle est par contre fréquente dans la plaine. Ce qui est par contre instructif, c’est la mesure de la préférence de l’espèce pour les parcelles couvertes d’adventices, ces plantes sauvages qui se développent rapidement après la moisson, fleurissent vite et portent des graines en quelques mois. « Adventices » est le qualificatif (à connotation négative) employé en agriculture pour désigner les plantes qui poussent sur les sols cultivés (les « mauvaises herbes » du jardin par exemple). Certaines sont des « messicoles », très liées aux cultures de céréales.
Pour illustrer ce rapport des granivores aux chaumes, il fallait trouver la bonne parcelle...Pas facile! La réglementation agricole oblige les agriculteurs à semer « un couvert hivernal » (moutarde, phacélie, ray-grass...) quand ils n’envisagent pas de semer une culture d’hiver (par exemple du blé qui sera moissonné en fin de printemps.) Ce semis est destiné à freiner l’érosion due au ruissellement sur des terres nues et à pomper l’excédent de nitrates laissé par la culture précédente. On a ainsi des CIPAN, nom officiel des « cultures intermédiaires pompes à nitrates. »
Le désherbage chimique probablement minimal de la culture de blé
 a permis à de nombreuses plantes sauvages de pousser:
 les laiterons atteignent une belle taille !

  Ces bonnes intentions environnementales sont un excellent exemple de mesures qui se retournent contre la nature, contre la biodiversité : le travail du sol et les semis denses empêchent la flore des chaumes de se développer, privant les oiseaux granivores de nourriture en cours d’hiver, au moment où les grandes bandes d’hivernants venus du nord et de l’est de l’Europe ont besoin de ces graines.
Pour médiatiser localement cette question, une parcelle de chaume de blé restée tardivement en l’état pour cause de météo défavorable a servi de terrain « d’exercice » : samedi 29 novembre après-midi, une dizaine d’adhérents se sont retrouvés sur un champ de 15 ha à Saint-Ovin pour compter les oiseaux et reconnaître quelques plantes typiques de cet habitat. Le labour débutant a un peu diminué la portée de l’expérience (il y avait donc urgence à passer jumelles au cou...)
Comme au jardin, le pâturin est la "mauvaise herbe" la plus banale 
mais aussi une des plus attractives pour les granivores.

  Un comptage plus complet de 30 minutes avait été réalisé la veille, la charrue n’étant pas encore à l’œuvre : les espèces attendues sont là, même si les effectifs sont réduits (il n’y a pas encore eu le « coup de froid » qui va pousser les oiseaux venus du nord à descendre.) Alouette des champs (2), linotte mélodieuse (37), bruant jaune (7), pipit farlouse (11), bruant zizi (1 ; 2 le lendemain), grive musicienne (13) sans compter le faucon crécerelle, le pigeon ramier (260) sont levés sur les 15 ha. La partie labourée attire environ 200 mouette rieuses (sans compter les nouvelles arrivantes) et des bergeronnettes grises, deux espèces qui n’étaient pas présentes la veille sur les chaumes non retournés.
Pour limiter le ruissellement en surface, un simple travail superficiel en travers de la pente suffirait à retenir l'eau; la croissance des adventices au cours de l'hiver serait une bonne pompe à sels minéraux excédentaires et les granivores auraient table mise...

  Pour mémoire, la linotte et le bruant jaune sont présents sur la liste rouge des hivernants en danger en Basse-Normandie. L’enquête Tendances montre que le bruant jaune a régressé sur 2/3 des relevés depuis 1996, la linotte sur 1/2, l’alouette des champs sur 1/3. À l’échelle européenne, les résultats des enquêtes standardisées vont dans le même sens : depuis 1980, le pipit farlouse a régressé de 68%, le linotte de 63%, l’alouette des champs de 50%, etc ...

  Notre petit tour dans la parcelle apporte un exemple de réponse à la question : quelle explication donner à la disparition de 400 millions d’oiseaux d’espèces communes en 30 ans en Europe ?... Le bilan publié dans la presse début novembre met en cause les méthodes modernes d’agriculture et la disparition des habitats. Notre région bocagère a déjà connu l’arasement des haies. Le remplacement de la prairie par les cultures est une autre révolution.
Un des vieux chênes témoins de l'ancien parcellaire 
(c'est  là que se réfugient pigeons et grives chassés des chaumes)
En arrière, la ligne d'aulnes marque le cours du ruisseau. 
Plus loin, la jeune haie à "répartition rythmée des couleurs" est typique des jeunes replantations.

  D’autres oiseaux liés au bocage et entendus : le pouillot véloce (chanteur !), le geai des chênes, le pic épeiche, l’étourneau, le merle.
Quelques plantes reconnues dans la parcelle (sans nommer les espèces) : laiteron, pissenlit, matricaire, pâturin, épilobe, chénopode, violette, pâquerette, digitale, porcelle, cirse, plantain, scrofulaire, vergerette, marguerite, renouée, fumeterre, géranium, morelle, millepertuis, véronique, jonc, mouron rouge, séneçon, cardamine, saule, etc...

  Nous remercions Monsieur J-P Jouvin (Cheval Plaisir, le Champ du Genêt, Saint-Senier) qui nous a autorisé à circuler sur sa propriété.

Texte et photos J Collette

Les "chômeurs" (amateurs des chaumes !) d'aujourd'hui.
Pour en savoir plus :
Collette J. & Lang B. (2013) – Les oiseaux des sols cultivés en Normandie : 2e partie : l’enquête « chaumes ». Le Cormoran, 19 : 95-108.
Taper dans un moteur de recherche : Population trends of common European breeding birds 2013. CSO, Prague

article de La Manche Libre du 6 décembre 2014 (cliquer pour lire)









dimanche 16 novembre 2014

Salon bio de Pontorson, 16 novembre 2014

  Le Groupe Ornithologique Normand a tenu un stand, comme chaque année, au salon bio de Pontorson, ce qui est une occasion de rencontrer de nombreuses personnes que nous connaissons déjà, et bien sûr de faire connaissance avec de nouvelles personnes intéressées par l'ornithologie. Le nouveau matériel : banderole et affiche déroulante ont bien mis en valeur le stand.

   A 14h30, nous proposions une animation qui a intéressé environ 25 personnes. Nous sommes allés à l'anse de Moidrey. Auprès de l'aire de stationnement, ce sont des passereaux qui se sont montrés : le troglodyte chante à notre arrivée, l'herbe rase est fréquentée par le pinson des arbres, le pipit farlouse et la bergeronnette grise. Des chardonnerets vont de la prairie aux arbres. Des grives mauvis sont déjà arrivées pour l'hiver. Cette petite grive au sourcil blanc fréquente les vergers, à la recherche de pommes tombées. Elle vit en petites troupes, nous en apercevons qui se posent dans les peupliers. Des étourneaux sansonnets passent aussi.
Mouettes rieuses et vanneaux huppés

  En rejoignant le bord du Couësnon, ce sont les oiseaux d'eau qui se montrent. L'anse de Moidrey n'est pas chassée, les oiseaux qui sont habitués à voir passer des promeneurs sur le chemin ne se soucient pas de notre présence.
Posés puis en vol, des vanneaux huppés et des mouettes rieuses sont bien visibles. Une dizaine de poules d'eau arpentent les zones de tangue. Les canards colverts nagent en pleine eau.
Lorsqu'un épervier passe, tous les oiseaux du bord de l'eau s'envolent, car ils craignent ce chasseur habile. De la même taille que le faucon crécerelle, l'épervier est beaucoup plus discret, nous avons eu de la chance !
Poule d'eau et chevaliers arlequins

  Sur la rive opposée, une sarcelle d'hiver et deux chevaliers arlequins se laissent observer longuement. Un busard (probablement un busard des roseaux) louvoie au-dessus des criches aménagées pour servir de réservoir à marée dans le cadre du désensablement du Mont Saint Michel. Le busard est un rapace très léger, dont le vol avec les ailes en V est typique. Il n'est pas un très bon chasseur, il préfère capturer des proies peu rapides, surprises au sol dans des terrains découverts.
  Deux espèces de hérons fréquentent l'endroit : le héron cendré, que nous voyons posé, immobile, dans l'herbe et l'aigrette garzette, petit héron blanc très actif, qui passe d'une rive à l'autre.
Héron cendré à l'affût

  Le tadorne est un grand canard marin très blanc. Il remonte un peu nos fleuves côtiers. Ce canard protégé niche préférentiellement dans des terriers car sa couleur le rendrait très repérable s'il nichait à découvert.
  Le grand cormoran remonte le Couësnon pour pêcher, il rejoint ses dortoirs (Tombelaine, par exemple) chaque soir.
  Dans les peupliers, quelques corbeaux freux se perchent. Ils sont plus grégaires que la corneille noire. Une de leurs colonies se trouve près du parking du Mont.

Sarcelle d'hiver (un mâle)

  Quelques autres oiseaux sont vus ou entendus : la bouscarle de Cetti, une discrète fauvette des roseaux ; la mésange bleue ; le pigeon ramier ; la tourterelle turque ; la pie ; le chevalier culblanc.
En tout, 27 espèces en peu de temps, l'endroit vaut le détour !

Thierry Grandguillot



Corbeau freux
Vanneaux et mouettes rieuses en vol




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